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LA FRANCE, LES ÉTATS-UNIS ET LA MONDIALISATION DES PARTENAIRES INCONTOURNABLES

par Felix G. ROHATYN, Ambassadeur des États-Unis d’Amérique en France

Avec la naissance de la nouvelle économie et l’expan­sion soutenue des relations transatlantiques, l’Amérique voit aujourd’hui la France et l’Europe comme ses principaux par­tenaires en terme d’économie et de sécurité. Dans ces rela­tions, la France joue un rôle essentiel. La construction euro­péenne, la place de la France dans cette structure, sont au coeur de la politique économique et de la politique étrangère française. L’objectif de la France est de donner à l’Europe les moyens de faire contrepoids au statut d’“ hyperpuissance » de l’Amérique. Les Français désirent cependant que les États-Unis continuent leur engagement en Europe. Pour les Français, la crainte de l’unilatéralisme américain vient parfois s’ajouter à l’appréhension encore plus grande d’un retour de l’Amérique à l’isolationnisme.

Les Européens voient dans l’euro un moyen de réduire leur dépendance à l’égard du dollar. Bien que l’euro ait été accueilli avec scepticisme par de nombreux experts, la mon­naie européenne a eu un impact significatif et positif. La dis­cipline budgétaire qui s’est exercée dans toute la zone euro a nettement réduit les déficits et les taux d’intérêt. L’euro a également protégé l’économie européenne des effets nocifs de la crise financière asiatique. Il est tout particulièrement important de noter que les politiques budgétaires et moné­taires dues à l’euro ont contribué à la hausse des taux de croissance et à la réduction du chômage dans toute la zone euro et, particulièrement, en France. Ueuro, le marché unique et les Traités de Maastricht et d’Amsterdam sont une réalisa­tion politique et économique unique de onze pays déterminés à réussir.

Les questions qui se posent sur l’euro ne sont pas uni­quement d’ordre économique. Elles se posent aussi sur l’évo­lution des institutions européennes et sur la nature du « modèle européen » de demain. Croire dans l’euro c’est croire dans l’Europe. Bien que les États-Unis ne soient pas partie prenante, l’Europe est cependant d’un grand intérêt pour nous. Nous soutenons l’in­tégration européenne depuis 50 ans. Nous sommes convaincus qu’une Europe forte, prospère et intégrée est dans notre inté­rêt, de même qu’une Amérique forte et prospère est dans l’inté­rêt de l’Europe.

Vue de l’Amérique, l’Europe est encore largement une construction en cours. Nous voyons la France d’aujourd’hui comme un kaléidocope, un pays que sa culture rend quelque peu hostile à la mon­dialisation, mais qui, en réalité, s’y adapte tout à fait bien. Le secteur privé français est haute­ment compétitif et les entre­prises multinationales fran­çaises ont des dirigeants et une dial.

Toutefois, malgré ces facteurs favorables, la réaction française à la mondialisation reste pleine d’appréhension. La France et l’ensemble de l’Europe connaissent une vague de fusions-acquisitions et autres transactions financières à grande échelle. Le lancement de l’euro et la compétition mondiale alimentent cette tendance. Au cours du troisième trimestre 1999, huit des plus grandes fusions ont eu lieu en Europe et, pour la première fois, l’Europe a dépassé les États-Unis en ce domaine avec un montant de transactions de 369 milliards de dollars contre 315 milliards chez nous. Cette explosion de fusions-acquisitions transnationales reflète la force fondamentale des compagnies européennes et françaises et leur capacité à s’adapter à la mondialisation.

C’est une réalité qui devrait pouvoir démentir les craintes européennes face à la mondialisation. Le fait est que la mon­dialisation n’est pas une politique américaine. Elle touche les États-Unis autant que la France. Tout comme les États-Unis, la France est l’un des grands gagnants de l’économie globa­le. Mais il est vrai que la mondialisation a ses perdants, autant que ses gagnants, et on doit reconnaître l’existence de problèmes tels que l’exclusion sociale et les énormes écarts de richesse et de revenus. Chaque société démocra­tique doit déterminer le type et le degré de protection socia­le qui lui conviennent. Aux États-Unis, notre formule consis­te à associer ce que j’appelle le « capitalisme populaire », c’est-à-dire une large participation du public et des employeurs au capital des entreprises – et un solide filet de protection sociale financée par l’Etat. Le gouvernement amé­ricain consacre plus de 50% du budget fédéral à la sécurité sociale et à « Medicare », notre assurance maladie pour les personnes âgées, alors qu’il n’en consacre que 15% à la défense. Toutefois, notre principe de base est qu’une crois­sance élevée et un faible chômage constituent la meilleure protection sociale.

La France estime que notre système comporte trop de risques et qu’il n’est pas assez égalitaire. L’Europe, sans doute, créera un modèle social et économique qui corres­pondra à ses priorités dans le cadre d’une économie mon­dialisée. Le modèle européen sera différent du nôtre, mais, avec le temps, je pense que nos deux systèmes tendront à converger. Nous le constatons déjà. Le Président Clinton s’emploie à renforcer notre filet de sécurité tandis que l’Europe s’efforce de libéraliser son économie.

Les réajustements qui se font rencontrent plus de résis­tance en Europe qu’en Amérique, bien que les récents évé­nements survenus à Seattle et lors des réunions du FMI à Washington montrent que de nombreux Américains parta­gent les préoccupations européennes sur la mondialisation, qui n’est pas une stratégie américaine. Nous ne la dirigeons pas. Tout comme vous, nous luttons chaque jour pour nous y adapter.

Il est important de dissiper une idée qui se répand en Europe selon laquelle la mondialisation et l’américanisation seraient une seule et même chose. Il faut en effet que l’adap­tation de la France et de l’Europe à la mondialisation ne devienne pas une source d’antagonisme envers les États-Unis. Faire d’une compagnie comme McDonald’s le symbole de l’impérialisme mondial ne peut qu’aboutir à une tragédie. Les États-Unis et l’Europe doivent faire tous leurs efforts pour trouver des solutions raisonnables et conformes à nos intérêts respectifs. Nous ne nous livrons pas ici à un jeu à somme nulle. Soit nous gagnons tous, soit nous perdons tous.

Je crois que ce que certains Français appellent l’anti­américanisme est en fait la peur de la mondialisation. C’est une réaction d’inquiétude face à la technologie moderne et à la dilution du pouvoir dans le monde. Je connais bien la France et je voyage souvent dans les régions où nous sommes en train de rouvrir des postes à Lyon, à Toulouse, à Rennes et bientôt à Lille et à Bordeaux. Au cours de mes voyages en province, je constate des sentiments d’admira­tion et d’amitié pour l’Amérique.

Nous continuons à considérer l’Europe comme notre partenaire le plus important et, en même temps, comme un concurrent redoutable. La France et l’Europe, j’en suis convaincu, nous considèrent de la même façon. Tout au long de notre histoire, cependant, lorsque notre sécurité s’est trouvée en danger, notre partenariat a toujours été plus fort que l’esprit de compétition.

Il n’y a pas de meilleur exemple de partenariat que celui de l’Association France-États-Unis. L’Association entretient une tradition de coopération et de respect entre nos deux pays. En particulier, j’aimerais saluer les efforts de Jacques Maisonrouge qui a travaillé avec application pour l’avance­ment du dialogue franco-américain.

L’association France-États-Unis joue un rôle exemplaire en aidant à redresser les idées que nous avons les uns des autres. Grâce à ce travail, l’Association contribue de maniè­re positive à la mondialisation.

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